Bonjour,
Il y a quelque temps, je vous présentais une sculpture en cours. Ça fait bien un mois que je travaille dessus et elle n'est pas encore terminée! (enfin, il reste maintenant du travail de finition, de patine en particulier). Pour faire durer le suspens, je vous l'ai d'abord présentée en petits morceaux.
La tête,
puis les pieds...
Il est temps que je vous en présente un peu plus et que je vous en dise un peu plus car cette nouvelle pièce a une histoire...
Mais avant tout (genre "après la pub!") petite rétrospective du montage.
Au début, une envie, une idée, un début de structure:
Recherche de pièces adaptées, longues séances de "cintrage" et d'agencement des fers à béton par soudure, le bonhomme allait se constuire lentement mais sûrement...
C'est là que je peux commencer à vous raconter l'attachement particulier que je porte à cette réalisation.
Voilà bientôt un an que j'ai quitté la région parisienne pour m'installer dans le Gard. Un vrai changement de vie sans aucun regret.
Mais, dans ma banlieue Nord-ouest, à Nanterre, j'ai vécu aussi de forts et beaux moments auprès de mes élèves de classe relais.
Des jeunes en décrochage scolaire, de 13 à 17 ans, déjà en marge dans le système scolaire et souvent socialement. Je ressens de la nostalgie en pensant à eux, j'aimerais savoir ce qu'ils sont devenus, s'ils vont mieux, où ils en sont aujourd'hui de leur parcours... Je ne sais pas s'ils se doutent de ce qu'ils m'ont apporté tout au long de ces quatre ans d'accompagnement, chacun d'entre eux, de ce qu'ils m'ont appris sur moi-même aussi. Quatre années de tâtonnements, d'apprivoisement, ponctuées de moments éprouvants, difficiles et de pure émotion aussi. Une authenticité rare, une relation prof-élèves forcément différente, profondément empreinte d'humanité, de part et d'autre, obligatoirement transcendée par l'humain, d'une richesse exceptionnelle... bien loin des clichés négatifs sur les profs de banlieue ou les élèves de zep. Je ne dis pas que ça n'a pas été sans découragements, sans sentiments d'impuissance parfois, je dis que l'expérience a été forte et riche et que je les remercie, tous, de m'avoir permis de la vivre...
Mes amis, vous diraient que je pourrais en parler pendant des heures, oui, encore aujourd'hui, où je suis si loin...
C'est donc en pensant à eux, à mes anciens élèves, que j'ai pensé ce bonhomme.
Je l'ai nommé Jordan.
Hommage à un de mes derniers élèves, fou de reggae, chantant lui-même, écrivant ses textes. Toujours les écouteurs sur les oreilles, il portait ses jeans baggy sur lequel il superposait des tee-shirts manches longues et manches courtes aux couleurs Jamaïque.
Je pense à lui et je pense à tous les autres jeunes que j'ai accompagnés avec mon équipe ces dernières années. Je leur dis une dernière fois : "gardez la tête haute, faites-vous confiance, n'ayez plus peur et allez de l'avant, nous, nous continuons à croire en vous".